Nathalie Klein Donat

Psychanalyse familiale


Pourquoi la psychanalyse familliale



Les motifs de la thérapie familiale sont nombreux. Elle s’applique plus largement aux familles qui ont de lourds problèmes de communication, des conflits insolubles, des souffrances psychiques diverses liés à des deuils ou a des événements sociaux qui menacent la famille de démantèlement. Bien souvent, une famille vient consulter pour un de ses membres considéré comme le malade « désigné », mais  celui-çi s’avère, en définitive être le symptôme d’un malaise collectif  qui affecte la famille tout entière.
 
Ce qui caractérise ces familles en souffrance c’est surtout un blocage de la communication qu’il soit sexuel, affectif ou conjugal. Des parents peuvent  consulter car ils sont en difficulté éducative  et se sentent en faillite au niveau de  l’exercice de l’autorité. Je n’évoque que secondairement les tentatives de suicide, les incestes et les accès de violence.
 
Il est intéressant de partir de D Meltzer et les différentes fonctions qu’il estime que la famille doit exercer ;  la famille en effet, exerce  selon lui, des fonctions positives comme : «  dispenser l’amour, contenir la souffrance psychique, penser » etc… mais elle peut aussi comporter des fonctions toxiques comme : «  générer l’angoisse, diffuser le mensonge et la confusion » caractéristiques de familles « malades ».
 
Dans ces familles à soigner ce sont les fonctions négatives qui sont à l’œuvre : la plupart du temps, c’est, avec ces fonctions négatives  et perverses que l’on  à travailler. Fonctions qui vont dans le sens de l’incestualité et de la perversité dont il sera question plus loin. Il se trouve en effet, que même si ces familles consultent pour obtenir un soulagement de leur souffrance psychique, dans un mouvement paradoxal, elles peuvent parfois s’arranger à maintenir un statu-quo topique lié à l’angoisse d’un changement qu’elles réclament par ailleurs. Elles peuvent donc tout en demandant de l’aide à un psychanalyste s’opposer à ce travail  de multiples façons.
 
D’où l’importance du travail sur les manoeuvres  mises en jeu  par ces familles afin de détourner ou déjouer le travail de penser tenté par l’analyste, mais qui s’avère parfois trop douloureux pour elles.
 C’est un objectif primordial de la thérapie familiale analytique d’effectuer un travail de transformation qui consiste à faire passer la famille en traitement d’un mode de fonctionnement régi par l’agir à un mode de fonctionnement régi par le rêve et le fantasme.
 
On a tendance à penser que la thérapie familiale analytique n’a lieu que dans un seul cas, celui où l’on consulte pour l’enfant ou  l’adolescent qui se drogue ou qui se déscolarise ou qui présente des troubles du comportement : à mon sens cela ne constitue qu’un aspect parmi d’autre. En fait au delà du « patient désigné », il s’agit de familles malades de leurs relations. Etre en groupe ou être en famille peut entrainer des régressions décrites par Bion sous la forme de présupposés de base. Ces présupposés de base, ont pour fonction de donner à une famille diffractée l’illusion d’une unité ou d’un cohérence,  soit par l’attente commune d’un leader ou d’une sorte de gourou qui est perçu comme « le sauveur »(dépendance), soit en vertu de l’idée qu’il y a un ennemi extérieur ou intérieur  à abattre et que seule l’alliance collective contre cet ennemi  peut en venir à bout (attaque fuite), soit  enfin, face à l’adversité, seule la participation commune à un mythe collectif  peut défendre le groupe-famille en danger, c’est l’idée qu’un couple va donner naissance à un messie porteur du salut (couplage).IL faut ajouter que Bion oppose les groupes de présupposés de base au groupe de travail, et c’est au passage de l’un à l’autre que s’applique le travail analytique.
 
La visée de la thérapie familiale psychanalytique c’est  un changement de fonctionnement mental,  et qu’au sein de la famille puisse se développer une communication plus fluide, un espace imaginaire, une vie fantasmatique qui pourra permettre à chacun de s’épanouir psychiquement et surtout d’éviter les multiples passages à l’acte qui caractérisent un mode relationnel perpétuellement agissant, et souvent violent ; enfin, les présupposés de base qui peuvent régir les relations familiales trahissent une grave carence au niveau des processus de pensée, car c’est bien de la pensée qu’il est question car à des degrés divers, il nous est permis de faire le constat, chez chacun des membres de la famille de l’absence de contact avec sa  vie émotionnelle, enfin de la pauvreté de sa vie psychique.
Un tel travail avec ces familles a pour fonction de permettre l’accès à la symbolisation qui n’a pu se développer en son temps et à des échanges qui ne s’effectuent plus sur le modèle de l’agir mais bien plutôt sur celui de la parole. En définitive il s’agit d’atténuer les interactions agissantes et de favoriser la communication verbale.
 
 
La groupalité en tête
Il est bon de souligner que la psychanalyse familiale est née de la psychanalyse individuelle et qu’il n’y a pas de clivage entre les deux. Si la psychanalyse s’est construite en grande partie sur  l’approche individuelle de patients névrosés, Freud considère dans « Psychologie des masses et analyse du moi G.W 73) que l’on ne peut faire abstraction des relations d’un individu à d’autres individus et parlant de la mentalité groupale il ajoute que « l’autre entre en ligne de compte très régulièrement comme modèle, comme objet , comme aide , et comme adversaire et de ce fait la psychologie individuelle est aussi d’emblée une psychologie sociale , en un sens élargi mais tout à fait fondé »
 
Toutefois, si la psychanalyse familiale cherche son modèle dans la thérapie individuelle, en adoptant quelques références essentielles comme celles du cadre, du transfert et du processus, il n’en reste pas moins qu’elle s’en écarte par divers points à mon avis essentiels car la possibilité du travail avec les familles s’origine dans une réflexion issue des travaux sur le groupe. C’est donc dans son approche des familles que le clinicien a le groupe dans la tête. Ceci est important et implique un autre vertex.
 
Qu’est ce que la famille par rapport au groupe ? Une famille est un groupe mais qui comporte un ensemble de personnes qui ont des liens de parenté et d’alliance tels que grands parents, parents, oncles et tantes cousins. Cette définition comporte l’idée de la famille élargie, mais d’une façon plus restreinte, elle désigne aussi le noyau familial, celui d’ un groupe de personnes vivant dans le même foyer généralement constitué des deux parents et des enfants.
 
A la différence du groupe qui suppose une somme d’individus disparates et donc une certaine hétérogénéité, la famille est un groupe constitué d’individus pris dans des relations définies et  issues d’une histoire commune qui s’étale dans le temps et donc comporte plusieurs générations : ses relations entre membres sont marqués par des rapports généalogiques. C’est un groupe qui a une histoire, une généalogie : la famille se développe dans le temps, crée des alliances nouvelles, évolue s’agrandit et comporte plusieurs générations liés par des relations de parenté(diachronie).
 
D’autre part, une famille c’est  une totalité impliquant divers rapports entre personnes liées par des relations  d’alliance et de filiation : on peut donc la considérer sous la dimension synchronique : les relations entre individus à un moment donné sont dictés par des conduites différentes et des relations qui dépendent de leur position au sein du groupe famille et de leur fonctions différenciées entre individus au sein de cette totalité.
 
Jeanne Defontaine 

Psychanalyste, Membre titulaire de la SPP, Membre du CPGF



Ilustration; Les Menines ,  Diego Velasquez - 1656/57, Musé du Prado, Espagne

 

1] Paul Claude Racamier,  Le génie des origines. Payot 
[2] Didier Anzieu  - Le groupe et l’inconscient ed DUNOD 
[3] Jeanne Defontaine-article dans (Groupal Mars 2001 : Le porte parole du transfert groupal) 
[4] Jean Pierre Caillot et Gérard Decherf –Psychanalyse du groupe et de la famille Apsygé 
[5] Le concept de générationnel est utilisé pour désigner ce qui dans la psyché du sujet ou celle du groupe concerne la transmission ou la transformation en après-coup, à des degrés variables, des matériaux psychiques relatifs à la succession générationnelle. L’enfant, les descendants ne se contentent pas de recevoir passivement  les matériaux transmis, ils les transforment et dans tous les cas ils se les approprient subjectivement, même si certains éléments sont moins symbolisables que d’autres.(André Carel in Groupal 11) Ainsi l’intergénérationnel concerne ce qui se transmet et est introjecté et le transgénérationnel concerne la transmission d’éléments bruts incorporés peu ou pas transformés et donc peu ou pas transformés. 
[6] Jeanne Defontaine : L’empreinte familiale, transfert, transmission , transagir.  Ed L’harmattan 
[7] Didier Anzieu . Le transfert paradoxal, de la communication paradoxale à la réaction thérapeutique négative in « Créer détruire » Dunod.


25/03/2013