Nathalie Klein Donat

Quelques références

 

D. Anzieu (1996) : Créer, détruire, Paris, Dunod

D. Anzieu (1986) : Introduction à l’étude des fonctions du moi –peau dans le couple, Revue Gruppo 2, Familles en péril, p. 75-82, Clancier - Guenaud, Paris

Didier Anzieu . Le transfert paradoxal, de la communication paradoxale à la réaction thérapeutique négative in « Créer détruire » Dunod “Le groupe et l’inconscient” ed DUNOD

D. Anzieu, A. Bejarano, R. Kaes, A. Missenard, J.-B. Pontalis (1975) : «Le travail psychanalytique dans les groupes» Paris, Dunod

J.-P. Caillot (1992) : Le faux et le renversement générationnel, Revue «Gruppo 8, Secrets de famille et pensée perverse», Paris, Apsygée.

J.-P. Caillot et G. Decherf

(1982) : «Thérapie familiale psychanalytique et paradoxalité», Paris, Clancier - Guenaud.

(1987) : Couple, famille et défenses perverses, Revue Gruppo 3, Perversité dans les familles, p. 47-68, Paris, Clancier –Guenaud.

(1989) «Psychanalyse du couple et de la famille», Paris, Apsygée

A. Carel (1992 ) L’intime, le privé et le public, Revue «Gruppo 8, Secrets de famille et pensée perverse», Paris, Apsygée

J. Defontaine : L’empreinte familiale, transfert, transmission , transagir.  Ed L’harmattan

A. Eiguer (1998) : Clinique psychanalytique du couple, Paris, Dunod

S. Freud (1912) : Totem et tabou, Paris, Gallimard, 1993

(1914) : Pour introduire le narcissisme

(1921) : Psychologie des masses et analyse du moi

M. Hurni et G. Stoll (1996) La haine de l’amour, Paris, L’harmattan.

R. Kaes (1999) : Pacte dénégatif et alliances inconscientes in «Autour de l’inceste», Editions du Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale, Paris.

J.-G. Lemaire (1971) : Les thérapies du couple, Paris, Payot

P.-C. Racamier

(1992) : Le génie des origines, Paris, Payot

(1993) : Cortège conceptuel, Paris, Apsygée.

A. Ruffiot (1981) : La thérapie familiale psychanalytique, Paris, Dunod

Vocabulaire de psychanalyse groupale et familiale , (1998) tome 1, sous la direction de Jean-Pierre CAILLOT, Simone DECOBERT et Claude PIGOTT, Paris, Editions du Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale.

Vocabulaire de psychanalyse , (1967) J. LAPLANCHE et J.-B. PONTALIS, Paris, Puf.


26/03/2013


Pourquoi la psychanalyse familliale



Les motifs de la thérapie familiale sont nombreux. Elle s’applique plus largement aux familles qui ont de lourds problèmes de communication, des conflits insolubles, des souffrances psychiques diverses liés à des deuils ou a des événements sociaux qui menacent la famille de démantèlement. Bien souvent, une famille vient consulter pour un de ses membres considéré comme le malade « désigné », mais  celui-çi s’avère, en définitive être le symptôme d’un malaise collectif  qui affecte la famille tout entière.
 
Ce qui caractérise ces familles en souffrance c’est surtout un blocage de la communication qu’il soit sexuel, affectif ou conjugal. Des parents peuvent  consulter car ils sont en difficulté éducative  et se sentent en faillite au niveau de  l’exercice de l’autorité. Je n’évoque que secondairement les tentatives de suicide, les incestes et les accès de violence.
 
Il est intéressant de partir de D Meltzer et les différentes fonctions qu’il estime que la famille doit exercer ;  la famille en effet, exerce  selon lui, des fonctions positives comme : «  dispenser l’amour, contenir la souffrance psychique, penser » etc… mais elle peut aussi comporter des fonctions toxiques comme : «  générer l’angoisse, diffuser le mensonge et la confusion » caractéristiques de familles « malades ».
 
Dans ces familles à soigner ce sont les fonctions négatives qui sont à l’œuvre : la plupart du temps, c’est, avec ces fonctions négatives  et perverses que l’on  à travailler. Fonctions qui vont dans le sens de l’incestualité et de la perversité dont il sera question plus loin. Il se trouve en effet, que même si ces familles consultent pour obtenir un soulagement de leur souffrance psychique, dans un mouvement paradoxal, elles peuvent parfois s’arranger à maintenir un statu-quo topique lié à l’angoisse d’un changement qu’elles réclament par ailleurs. Elles peuvent donc tout en demandant de l’aide à un psychanalyste s’opposer à ce travail  de multiples façons.
 
D’où l’importance du travail sur les manoeuvres  mises en jeu  par ces familles afin de détourner ou déjouer le travail de penser tenté par l’analyste, mais qui s’avère parfois trop douloureux pour elles.
 C’est un objectif primordial de la thérapie familiale analytique d’effectuer un travail de transformation qui consiste à faire passer la famille en traitement d’un mode de fonctionnement régi par l’agir à un mode de fonctionnement régi par le rêve et le fantasme.
 
On a tendance à penser que la thérapie familiale analytique n’a lieu que dans un seul cas, celui où l’on consulte pour l’enfant ou  l’adolescent qui se drogue ou qui se déscolarise ou qui présente des troubles du comportement : à mon sens cela ne constitue qu’un aspect parmi d’autre. En fait au delà du « patient désigné », il s’agit de familles malades de leurs relations. Etre en groupe ou être en famille peut entrainer des régressions décrites par Bion sous la forme de présupposés de base. Ces présupposés de base, ont pour fonction de donner à une famille diffractée l’illusion d’une unité ou d’un cohérence,  soit par l’attente commune d’un leader ou d’une sorte de gourou qui est perçu comme « le sauveur »(dépendance), soit en vertu de l’idée qu’il y a un ennemi extérieur ou intérieur  à abattre et que seule l’alliance collective contre cet ennemi  peut en venir à bout (attaque fuite), soit  enfin, face à l’adversité, seule la participation commune à un mythe collectif  peut défendre le groupe-famille en danger, c’est l’idée qu’un couple va donner naissance à un messie porteur du salut (couplage).IL faut ajouter que Bion oppose les groupes de présupposés de base au groupe de travail, et c’est au passage de l’un à l’autre que s’applique le travail analytique.
 
La visée de la thérapie familiale psychanalytique c’est  un changement de fonctionnement mental,  et qu’au sein de la famille puisse se développer une communication plus fluide, un espace imaginaire, une vie fantasmatique qui pourra permettre à chacun de s’épanouir psychiquement et surtout d’éviter les multiples passages à l’acte qui caractérisent un mode relationnel perpétuellement agissant, et souvent violent ; enfin, les présupposés de base qui peuvent régir les relations familiales trahissent une grave carence au niveau des processus de pensée, car c’est bien de la pensée qu’il est question car à des degrés divers, il nous est permis de faire le constat, chez chacun des membres de la famille de l’absence de contact avec sa  vie émotionnelle, enfin de la pauvreté de sa vie psychique.
Un tel travail avec ces familles a pour fonction de permettre l’accès à la symbolisation qui n’a pu se développer en son temps et à des échanges qui ne s’effectuent plus sur le modèle de l’agir mais bien plutôt sur celui de la parole. En définitive il s’agit d’atténuer les interactions agissantes et de favoriser la communication verbale.
 
 
La groupalité en tête
Il est bon de souligner que la psychanalyse familiale est née de la psychanalyse individuelle et qu’il n’y a pas de clivage entre les deux. Si la psychanalyse s’est construite en grande partie sur  l’approche individuelle de patients névrosés, Freud considère dans « Psychologie des masses et analyse du moi G.W 73) que l’on ne peut faire abstraction des relations d’un individu à d’autres individus et parlant de la mentalité groupale il ajoute que « l’autre entre en ligne de compte très régulièrement comme modèle, comme objet , comme aide , et comme adversaire et de ce fait la psychologie individuelle est aussi d’emblée une psychologie sociale , en un sens élargi mais tout à fait fondé »
 
Toutefois, si la psychanalyse familiale cherche son modèle dans la thérapie individuelle, en adoptant quelques références essentielles comme celles du cadre, du transfert et du processus, il n’en reste pas moins qu’elle s’en écarte par divers points à mon avis essentiels car la possibilité du travail avec les familles s’origine dans une réflexion issue des travaux sur le groupe. C’est donc dans son approche des familles que le clinicien a le groupe dans la tête. Ceci est important et implique un autre vertex.
 
Qu’est ce que la famille par rapport au groupe ? Une famille est un groupe mais qui comporte un ensemble de personnes qui ont des liens de parenté et d’alliance tels que grands parents, parents, oncles et tantes cousins. Cette définition comporte l’idée de la famille élargie, mais d’une façon plus restreinte, elle désigne aussi le noyau familial, celui d’ un groupe de personnes vivant dans le même foyer généralement constitué des deux parents et des enfants.
 
A la différence du groupe qui suppose une somme d’individus disparates et donc une certaine hétérogénéité, la famille est un groupe constitué d’individus pris dans des relations définies et  issues d’une histoire commune qui s’étale dans le temps et donc comporte plusieurs générations : ses relations entre membres sont marqués par des rapports généalogiques. C’est un groupe qui a une histoire, une généalogie : la famille se développe dans le temps, crée des alliances nouvelles, évolue s’agrandit et comporte plusieurs générations liés par des relations de parenté(diachronie).
 
D’autre part, une famille c’est  une totalité impliquant divers rapports entre personnes liées par des relations  d’alliance et de filiation : on peut donc la considérer sous la dimension synchronique : les relations entre individus à un moment donné sont dictés par des conduites différentes et des relations qui dépendent de leur position au sein du groupe famille et de leur fonctions différenciées entre individus au sein de cette totalité.
 
Jeanne Defontaine 

Psychanalyste, Membre titulaire de la SPP, Membre du CPGF



Ilustration; Les Menines ,  Diego Velasquez - 1656/57, Musé du Prado, Espagne

 

1] Paul Claude Racamier,  Le génie des origines. Payot 
[2] Didier Anzieu  - Le groupe et l’inconscient ed DUNOD 
[3] Jeanne Defontaine-article dans (Groupal Mars 2001 : Le porte parole du transfert groupal) 
[4] Jean Pierre Caillot et Gérard Decherf –Psychanalyse du groupe et de la famille Apsygé 
[5] Le concept de générationnel est utilisé pour désigner ce qui dans la psyché du sujet ou celle du groupe concerne la transmission ou la transformation en après-coup, à des degrés variables, des matériaux psychiques relatifs à la succession générationnelle. L’enfant, les descendants ne se contentent pas de recevoir passivement  les matériaux transmis, ils les transforment et dans tous les cas ils se les approprient subjectivement, même si certains éléments sont moins symbolisables que d’autres.(André Carel in Groupal 11) Ainsi l’intergénérationnel concerne ce qui se transmet et est introjecté et le transgénérationnel concerne la transmission d’éléments bruts incorporés peu ou pas transformés et donc peu ou pas transformés. 
[6] Jeanne Defontaine : L’empreinte familiale, transfert, transmission , transagir.  Ed L’harmattan 
[7] Didier Anzieu . Le transfert paradoxal, de la communication paradoxale à la réaction thérapeutique négative in « Créer détruire » Dunod.


25/03/2013


Faire une psychanalyse

 

L’on ne se résout à entreprendre une psychanalyse, me semble-t-il, que contraint par soi-même, "du dedans", lorsque l'on est las de vaciller entre différentes et contradictoires perceptions de soi, voire des autres. L'on ne s'y résout que quand éclot un mal-être dont on soupçonne qu'il couvait depuis longtemps. Ou quand s'amplifie le sentiment de "passer à coté" de son existence. Ou lorsque la répétition de souffrances, d'échecs, de ruptures, voire encore d'ordonnances de médicaments, nous amène à cette intuition que quelque chose, au fond de soi, quelque chose d'inconnu en soi et pourtant familier nous échappe ; quelque chose d'inconscient, à cerner, à découvrir, dont se "dé-lier".

 

Faire une psychanalyse, c'est probablement réaliser l'une des plus grandes aventures de son existence ; tenter en quelque sorte d’aller à la découverte et à la rencontre de soi-même, d'un "je" qui pourrait, de soi, advenir. Pour soi. Devenir soi et ainsi, plus familier qu'étranger à soi-même. Plus pacifié avec son propre tumulte, qu'en état de perpétuel conflit intérieur.

 

Quelque chose en soi, à débusquer avec la ou le psychanalyste, quelque chose de tout autant familier qu'étranger, puisque inconscient, reclus, caché à soi--même mais dont on soupçonne parfois le murmure, et qui amène à cet intime constat que tout en croyant - depuis le temps ! - se connaître, l'on ne se comprend pas. Sentiment de bien plus être objet, bringuebalé, interrogatif, souffrant de sa propre existence, que le sujet de celle-ci.

 

L'on ne «se fait psychanalyser» (en fait, chez le psychanalyste, l'on est bien plus analysant de soi-même qu'analysé, avec l'aide du cadre psychanalytique) qu'acculé en quelque sorte, qu'intérieurement contraint. Car une analyse est rarement une partie de plaisir : si en effet une part de soi veut comprendre, changer, pénétrer cette énigme que l'on est pour soi-même, une autre part de soi «fait de la résistance». Résistance - certes la plupart du temps totalement inconsciente, que le psychanalyste ne devra pas manquer de repérer - résistance souvent "rationalisante" qui tend ainsi à préserver, à conserver bien enfoui ce qu'en psychanalyse, vous chercheriez justement, pensez-vous, à exhumer.

 

Faire une psychanalyse, cela passe par admettre ses apparentes contradictions comme précisément inhérente à l'existence même. C'est réaliser dans l'analyse des mots, des lapsus, des répétitions, des associations d'idées, des sentiments et des images inattendues qui nous viennent à l'esprit durant et entre les séances, que par exemple, amour et haine - tant de l'autre que de soi - sont intimement entrelacés ; réaliser - autre exemple encore - que le mot "lien", que l'expression "je suis attaché à..." peuvent certes s'entendre dans le sens d'un plaisir (à aimer ou à l'être), mais aussi dans le sens d'une dépendance, d'une addiction, d'une aliénation. Et commencer une psychanalyse, ce peut être réaliser et commencer à admettre que jusque là, l'un des sens du mot - voire même une façon singulière de le prononcer ou de l'avoir entendu prononcé - prenait pour nous le pas sur tous les autres sens possibles. Je prenais ci-dessus l'exemple du mot lien ; en psychanalyse, c’est justement l’exploration du lien qui se tisse aussi entre analyste et analysant(e) (ce qu'en jargon psychanalytique, l'on nomme transfert) qui offre des clés pour l’analyse des «liens intérieurs» - le lien, mot employé entre un chéri et sa chérie, entre enfant et père ou mère, mais tout autant utilisé pour nommer une entrave, des menottes entre deux poignets, quelque chose d’aliénant pouvant susciter la violence, la haine, souvent retournées sur soi – liens parfois réels, mais plus souvent imaginaires ou symboliques et plus souvent encore inconscients (à la fois sus et insus) qu’entretient la personne - avec… le reste du monde actuel, passé ou à venir.

 

Autre chose encore : Jacques Lacan, psychanalyste français controversé, tout comme le fut Freud par la bourgeoisie viennoise conservatrice de la fin du XIXème siècle, Jacques Lacan disait notamment – je cite approximativement - «la vérité ne peut que se mi-dire» et aussi, à propos de la cure, ou du travail psychanalytique «parfois, la guérison vient en plus (par surcroît, en plus du travail d’analyse)» ; ces constats sont porteurs d'au moins deux conséquences.

 

Deux conséquences de ce qui précède :

La vérité profonde d’une personne, et bien cette personne – et son analyste – ne peu(ven)t que finir par la cerner au plus près, mais sans jamais totalement la dévoiler ; quelque chose en échappe toujours, quelles que soient durée et intensité du travail psychanalytique - d'ailleurs souvent prématurément interrompu.

 

Il arrive qu’au cours ou qu’à l’issue du travail, les symptômes qui amenèrent à "consulter", s’effacent. Ou encore : ce que la personne vivait comme douloureux symptôme, cela devient pour elle partie intégrante d’elle-même. Elle le fait sien. La guerre intérieure cesse. La personne "guérit" de ce qui la tourmentait, n’est plus tourmentée de ce qui l’habite et la constitue.

 

Pourquoi la psychanalyse rougirait-elle de ce qu' il arrive que «la guérison (ne) vienne (qu') en plus» du travail de psychanalyse? Tant de sciences dites exactes voient leurs fondements vaciller lors de nouvelles découvertes ? Tant de médecins spécialistes ne parviennent eux aussi, qu’à alléger, soulager, accompagner, sans réussite totale et pérenne. La qualité de la relation entre le médecin et le patient, possède une place prééminente dans l’issue du mal-être voire de la maladie et dans la perception qu’a la personne de ses troubles, de son toubib. Il en est de même entre l’enfant et l’enseignant, où «quelque chose» se passe un jour dans cette paire, qui, soit propulse l’enseigné, soit contribue à sa désaffection de l’enseignement et de l’éducation scolaire.


Faire une psychanalyse, c'est un parcours de ré-appropriation de soi, ou plutôt, de découverte d'un soi "intime" ; c'est un escarpé chemin de reconnaissance et de connaissance de soi, par soi. Evidemment, ce travail, cette «naissance» amènent-t-ils des changements chez la personne qui s’y lance - et dans la perception qu'elle a de ses relations à autrui. Et donc souvent, le candidat à l'analyse me dit-il craindre qu'en allant mieux - qu'en voulant aller mieux - tout ce qui tenait (certes douloureusement, certes de moins en moins, sinon pourquoi vient-il voir le psychanalyste?) s'effondre ; c'est là l'un des pourquoi de la résistance à ce travail d'analyse entrepris, ajouté au fait que cette souffrance, ces "symptômes" dont on souhaiterait se défaire via la cure analytique, et bien cette souffrance, elle a - inconsciemment - sa fonction... Fonction par exemple de "colmatage".

 

Parmi tant d’autres choses, j’ai bien conscience en écrivant, de l’incomplétude, de l’inexactitude de ces propos partiels. Cette incomplétude, elle est aussi le propre de l’analyse, de l’analysant, du psychanalyste, du désir, de l’être que l’on est.

 

Enfin la psychanalyse met-elle radicalement en cause les notions de normalité et d'anormalité, de (bonne-) santé, de savoir, de maîtrise, de science, de conscience, de guérison ; elle ne peut donc que déranger tant l'ordre établi que les bienséances de dupe. Elle dérange aussi la personne même qui s’y livre, pointant son inconsciente duplicité avec elle-même. Elle me semble cependant le seul moyen pour approcher le cœur de soi, et implique de profondes conséquences sur la façon de lire nos rapports avec les autres et les évènements, proches ou lointains.

 

Francis Bismuth

Psychanalyste

 

Sigmund Freud assis à côté du divan, dans son cabinet de consultation, 19 Berggasse à Vienne, vers 1930
© The Freud Museum London


17/03/2013


Oser la thérapie de couple

 

Les couples en crise hésitent de moins en moins à “vider leur sac” devant un professionnel. Consulter pour mieux s’aimer n’est plus tabou. Mais cela permet-il de se redécouvrir ?

Quand le couple va mal, on s’enfonce dans un maquis de contradictions insolubles. Chacun, à l’affût des comportements négatifs de l’autre, devient aveugle à ce qui reste positif.

« Le seul moyen de mettre un terme à cette situation est d’introduire un élément étranger dans le système, explique Guglielmo Gulotta (auteur de Comédies et Drames du mariage, ESF), thérapeute de couple. Son rôle est de déstabiliser les forces en jeu, d’installer un nouvel équilibre fondé sur de nouvelles règles. Chaque conjoint a alors devant lui un interlocuteur imperméable à ses manœuvres : celui qui s’enferme dans le silence devra s’exprimer. Tel autre, plutôt dans l’agressivité, sera ramené à sa colère. Ce tiers auquel les couples peuvent s’adresser est le thérapeute. »

Confronter les rancœurs, les demandes…, voilà ce que la thérapie permet aux conjoints. Face à eux, en position d’arbitre, le thérapeute. « Quand nous avons entamé notre thérapie de couple, je craignais de me dévoiler devant mon mari, explique Marie-Catherine, 38 ans. Comme nous vivions une crise, j’avais peur de lui donner des armes contre moi ».  

Au fur et à mesure des séances, Marie-Catherine a compris que, ayant eu un père autoritaire, elle avait aimé Eric parce qu’il en était l’exact opposé. « De ce fait, j’avais pu investir tout l’espace de la maison, je gérais tout, je prenais les décisions. Et ce rôle qui me satisfaisait finissait même par m’étouffer. Eric se trouvait pris dans mes contradictions : je lui reprochais d’être à la traîne, alors que je l’avais aimé parce que, justement, il ne m’imposait rien. »

« De manière générale, dit Brigitte Dollé-Monglond (auteur d’Introduction aux thérapies familiales, ESF), psychanalyste et thérapeute de couple, le choix d’un partenaire est lié à notre histoire. Le sentiment amoureux tire son origine dans l’histoire du manque initial qui, par définition, ne saurait être comblé. » En formulant ses critiques, Marie-Catherine a pris conscience que la crise que traversait son couple appartenait à son passé et non à son histoire avec Eric.

Réapprendre à se parler, à s’écouter

La thérapie de couple invite, quel que soit le nombre d’années de vie commune, à regarder différemment son partenaire. A s’entendre dire les mots que l’on avait du mal à formuler, à comprendre des attentes intimes, à exprimer des désirs enfouis. On y réapprend à se parler et à s’écouter. De nombreux thérapeutes, d’ailleurs, filment les séances pour que les protagonistes prennent conscience de la distorsion qui a pu s’installer entre leurs gestes, leurs attitudes et leurs mots : il devient possible d’aller au-delà de l’apparence.

On avouera, par exemple, que si l’on reproche à son compagnon de sortir avec ses copains, c’est parce que, dans le fond, on a le sentiment qu’il ne nous regarde plus. On pourra aussi l’entendre préciser que, s’il ne parle jamais de son travail, ce n’est pas par mépris, mais pour ne pas nous inquiéter. A chacun ensuite de corriger ses habitudes de vie.

Le paradoxe d’une thérapie réussie

Si la thérapie permet au couple de remettre à jour le contrat de vie à deux, il arrive qu’elle en scelle la fin. « Lorsque ma femme et moi avons entamé une thérapie de couple, nous vivions ensemble depuis vingt-deux ans, raconte Pascal, 57 ans. Nos enfants étaient sur le départ et j’appréhendais de me retrouver seul avec elle. Nous avons décidé de faire une thérapie pour voir sur quelles bases nous pourrions retrouver une vie commune. Nous nous sommes aperçus que nous avions cheminé sur des voies parallèles, sans nous rendre compte qu’elles s’éloignaient l’une de l’autre. Sans la thérapie, nous nous serions entre-déchirés. Grâce à elle, nous avons pu parler et comprendre que notre histoire était achevée. Nous avons pu faire le deuil de notre vie commune. Huit ans après, nous sommes restés amis et nous nous voyons avec nos enfants et nos petits-enfants. »

Le paradoxe de la thérapie de couple réside en cela : elle peut être réussie et se conclure par une séparation. En revanche, elle échouera à coup sûr si l’un des deux partenaires refuse de jouer le jeu de l’écoute : malgré lui, lorsque ses blessures personnelles sont trop douloureuses ; à cause de lui, s’il n’a pas envie de sauver ce qui peut encore l’être. Là réside la limite principale de l’exercice : pour réinventer une façon de vivre son couple, pour rendre du souffle à une histoire qui commence à en manquer, il faut toujours être deux.

Lorsque le couple est déséquilibré, la thérapie individuelle ne résout rien : le conjoint qui consulte n’est pas forcément celui qui souffre le plus. Cela peut même être une fuite, et le thérapeute, un objet de rivalité. Il est donc conseillé de consulter à deux.

 

Violaine Gelly

Rédactrice en chef de Psychologies magazine


17/03/2013


Thérapies psychanalytiques de couple


Nous distinguons la psychanalyse de couple, technique uniquement verbale, du psychodrame psychanalytique de couple. Il faut ajouter à ces situations psychanalytiques le groupe de couples tel que Simone Decobert et Michel Soulé l’avait pratiqué avant les années 70, ainsi que le psychodrame de groupe de couples.

 

Historique

Historiquement le cadre psychanalytique des thérapies verbales du couple est né dans les années 70. Il a été défini par André Ruffiot et fait suite aux travaux des auteurs systémiques dans les années 60 sur la famille et le couple, notamment ceux de Grégory Bateson concernant les paradoxes et aux travaux de Jean -Georges Lemaire (Les thérapies du couple, 1971).

En 1984 paraît «La thérapie psychanalytique du couple» d’André Ruffiot et Alberto Eiguer.

En 1986 Didier Anzieu écrit dans la revue Gruppo « Familles en péril » « Introduction à l’étude des fonctions du moi-peau dans le couple. »

En 1987 dans la revue GRUPPO Jean-Pierre Caillot et Gérard Decherf abordent la problématique des défenses perverses dans le couple et la famille.

En 1989 dans «Psychanalyse du couple et de la famille» ces mêmes auteurs traitent du couple anti-famille, de la famille anti-couple, des manoeuvres perverses dans le couple et la famille et du fantasme d’autoengendrement du couple ou fantasme d’engendrement réciproque : chaque membre du couple est vécu comme la mère de l’autre.

La thérapie psychanalytique du couple s’enrichit dans les années 80 du psychodrame psychanalytique de couple sous l’impulsion d’Anne Marie Blanchard, Jean-Pierre Caillot et de Simone Decobert.

Par la suite, le psychodrame psychanalytique de groupe de couples est mis en place (Anne-Marie Blanchard et Jean-Pierre Caillot).

 

Principaux concepts psychanalytiques concernant le couple et ses thérapies

En 1912 dans «Totem et Tabou» Freud décrivait les états amoureux comme les prototypes normaux des psychoses : « L’homme, dans une certaine mesure, reste narcissique, même après avoir trouvé des objets externes pour sa libido ; les investissements d’objets auxquels il procède sont en quelque sorte des émanations de la libido qui reste attachée au moi et ils peuvent de nouveau être réintégrés en elle. Les états amoureux, psychologiquement si curieux, qui sont les prototypes normaux des psychoses, correspondent au niveau le plus élevé de ces émanations par rapport au niveau de l’amour de soi. » (page 209, traduit de l’allemand par Marielène Weber).

 

En 1921 (Massenpsychologie und Ich-Analyse) Freud mettait l’accent dans l’état amoureux sur la «formation de masse à deux» (Massenbildung) caractérisée par les phénomènes d’indifférenciation psychique des relations d’objet narcissique.

 

Il disait : «Il n’y a manifestement pas loin de l’état amoureux à l’hypnose, les concordances entre les deux sont évidentes, même soumission humble, même docilité, même absence de critiques envers l’hypnotiseur comme envers l’objet aimé, même résorption de l’initiative personnelle ; aucun doute l’hypnotiseur a pris la place de l’idéal du moi. Simplement, dans l’hypnose, les rapports sont encore plus nets et plus intenses, si bien qu’il conviendrait plutôt d’expliquer l’hypnose par l’état amoureux que l’inverse.»

 

Plus loin l’auteur ajoutait : «Mais, d’un autre côté, on peut dire aussi que la relation hypnotique représente, s’il est permis de se servir de cette expression, une formation de masse à deux. L’hypnose se prête mal à la comparaison avec la formation de masse, car elle est plutôt identique à celle-ci. L’hypnose s’écarte de la formation de masse en groupe par cette limitation du nombre comme de l’état amoureux par le manque de tendance directement sexuelle. En ce sens, elle tient le milieu entre les deux.»

 

À partir de «Totem et Tabou» et de «Psychologie des foules et analyse du moi» une idée essentielle émerge : les phénomènes d’indifférenciation, c’est-à-dire les phénomènes de masse sont à l’origine d’un corps commun imaginaire du couple, du groupe ou de la famille et d’une psyché commune imaginaire.


Le choix du partenaire sexuel dans le couple se fait pour Freud (Pour introduire le narcissisme, 1914) selon deux modes :

- le choix d’objet narcissique : c’est «un type de choix d’objet qui s’opère sur le modèle de la relation du sujet à sa propre personne et où l’objet représente la personne propre sous tel ou tel aspect» (J. Laplanche et J.-B. Pontalis).

 

- le choix d’objet par étayage : c’est «un type de choix d’objet où l’objet d’amour est élu sur le modèle des figures parentales en tant qu’elles assurent à l’enfant nourriture, soins et protection. Il trouve son fondement dans le fait que les pulsions sexuelles s’étayent originellement sur les pulsions d’autoconservation.» (J. Laplanche et J.-B. Pontalis).

 

Didier Anzieu soulignait en 1986 qu’un des fantasmes de base du couple est qu’il possède une peau commune, un corps commun et une psyché commune.

 

«Pourquoi vit-on en couple ? » demandait Didier Anzieu. «... La raison originaire semble être la peur de la solitude, le besoin archaïque d’un étayage des fonctions psychiques sur un objet primordial, la nécessité de parer l’angoisse d’un retour à l’état de détresse lors des frustrations, des échecs, des stress de l’existence. L’objet primordial est celui qui a jadis protégé de cette détresse. L’énamouration apporte la révélation, au sens quasi religieux du terme, que cette personne-ci est une réincarnation de l’objet primordial. Dans l’état d’exaltation amoureuse, qui est généralement l’état fondateur du couple du moins dans la culture occidentale, s’instaure la double croyance que le partenaire est l’objet qui compte par-dessus tout pour moi et qu’il a lui-même le désir d’être cet objet primordial pour quelqu’un, moi en l’occurrence - comme la mère a voulu l’être autrefois pour son tout-petit qui, de son côté, la mettait en place d’être cet objet.»

 

Dans son «introduction à l’étude des fonctions du moi-peau dans le couple», D. Anzieu (1986) décrivait l’illusion duelle ou gémellaire fondatrice du couple à l’instar de l’illusion groupale fondatrice du groupe.

 

«La première expérience du couple, écrit D. Anzieu, réalisée par deux partenaires jeunes commence généralement par une phase d’illusion duelle. Les éventuelles expériences ultérieures de couple faites avec d’autres partenaires tendent à reproduire cette phase sous forme atténuée, tantôt exacerbée.

 

Une telle illusion s’avère fondatrice pour un jeune couple et elle le fonde en même temps comme couple de partenaires qui sont ou qui veulent rester ou redevenir jeunes. La phase suivante, de désillusion, peut entraîner soit la dissolution du couple qui reconnaît avec amertume et ressentiment s’être aveuglé sur lui-même, soit, au travers d’une crise et son dépassement, la réorganisation des relationsd’objet entre ses membres et l’évolution des fonctions psychiques exercées envers l’autre, ceci s’effectuant grâce à l’encadrement par des fantasmes nouveaux de peau familiale.»

 

Ce couple , ajoutait D. Anzieu, est «un couple de jumeaux imaginaires, unisexes et à la limite interchangeables...

 

Une telle illusion s’avère fondatrice pour un jeune couple et elle le fonde en même temps comme couple de partenaires qui sont ou qui veulent rester ou redevenir jeune.

 

La phase suivante de désillusion est une seconde étape que doit franchir tout couple. »

Cinq destins sont alors possibles selon Didier Anzieu :

  • Premièrement : « L’autre est rendu responsable de désillusion, c’est de la faute de l’autre, dit-il, si l’émerveillement amoureux réciproque et originaire a disparu ; c’est de la faute de l’autre, qui ne veut pas ou qui ne peut pas tout partager de sa vie psychique. La scène de ménage amorce alors un processus de rupture. »
  • Un second destin consiste à revivre la fascination amoureuse à l’égard d’une tierce personne tout en essayant de maintenir, avec la stabilité du couple premier, la constance de l’objet primordial. Un des deux partenaires prend un amant ou une maîtresse.
  • Un troisième destin permet au couple de perdurer en transformant son espace imaginaire, en réorganisant ses rapports internes et avec l’extérieur en devenant un système relativement ouvert, en substituant au motif originaire de conserver l’illusion gémellaire un motif moins conservateur, plus régulateur, plus évolutif. La peau commune du couple subsiste mais allégée ; elle n’est plus exclusive ; chaque partenaire se dote au sein du couple d’un moi-peau singulier.
  • Quatrième destin : la scène de ménage s’instaure comme mode habituel de relations intracouples.
  • Un cinquième destin consiste à substituer au moi – peau du couple une peau familiale fantasmée qui se créée avec la naissance d’un premier enfant grâce au fantasme d’autoengendrement familial et l’apparition d’une illusion familiale

Didier Anzieu ajoute : «Le travail psychanalytique avec des couples en difficulté fait souvent apparaître que chaque partenaire a été dans son enfance très dépendant, bien que de façon différente, de l’image maternelle et n’a pu se séparer de sa famille d’origine qu’en emportant avec lui la peau imaginaire de cette mère.

 

Leur couple s’enveloppe dans ces deux peaux imaginaires maternelles, structurées selon la double paroi que j’ai décrite, dans mon ouvrage «Le moi-peau», comme typique de l’enveloppe narcissique idéalisée. À l’intérieur de celle-ci les deux jeunes gens se sentent voués au projet d’une union exceptionnelle ».

Par exemple, une femme dit à son mari au cours d’une thérapie de couple : «Je le connais si bien que je pourrais faire son autoportrait, écrire son autobiographie».

 

Dans une séance de psychodrame, l’un des membres du couple propose de jouer la séparation du couple mais ils ne possèdent à eux deux qu’un poumon et un cœur. Il faudra donc faire intervenir dans le jeu, un chirurgien et un juge pour décider du partage impossible : qui aura à la fois le cœur et le poumon ? Qui mourra ?

Dans un autre couple à propos de leur unité conjugale, la femme disait : «nous avons une troisième jambe commune qui nous permet de marcher du même pas».

 

La naissance du fantasme de corps commun du couple est consubstantielle à notre avis du fantasme d’engendrement réciproque c’est-à-dire du fantasme d’autoengendrement du couple. Le fantasme d’autoengendrement du couple est à l’origine de ce corps commun imaginaire, idéal et omnipotent.

Toutes les illusions sont structurées selon ce modèle.

 

Ainsi dans une thérapie psychanalytique d’un couple, la femme exprime les pensées suivantes :

«Avant, dit-elle, on vivait en autarcie, on s’alimentait soi-même, on était en pleine forme sur tous les plans, on n’avait pas besoin d’autre chose. On était indépendant.» Puis, elle ajoute : «quand on a quelqu’un pour soi tout seul, c’est grisant.» Son mari ajoute : «c’est un besoin !» «oui, répond-elle, mais la mère on doit la partager avec les frères et les sœurs, alors que là, c’est une mère pour soi tout seul et en même temps on est chacun la mère de l’autre pour lui tout seul, vous comprenez ? Vous savez, conclut-elle, c’est un lien très fort, bien plus fort qu’avec la mère».

 

Cette femme ajoutait sur un mode paradoxal : «J’ai pu ainsi refaire le même chemin différemment» lorsqu’elle comparaît sa relation à sa mère à celle qu’elle établissait avec son mari.

 

À l’instar de René Kaës (1975) qui décrit «L’appareil psychique groupal», André Ruffiot parle d’appareil psychique familial.

 

À propos du couple, nous pouvons parler d’appareil psychique conjugal. Ces auteurs tiennent compte à la fois de l’espace intrapsychique et de l’espace inter -psychique intermédiaire, qu’il s’agisse de groupe, de famille ou de couple.

 

L’espace inter- psychique est le lieu psychique de la mise en commun des fantasmes. Dans cet espace, le fantasme est partagé ; il est commun. Cette mise en commun des idéaux et des interdits de cet espace psychique intermédiaire appartient, à la fois, à chacun et au couple. L’espace inter -psychique privé, discret est normalement, certes développé, mais il n’empêche pas la constitution et la préservation d’un espace individuel, intra -psychique intime et secret (A. Carel, 1992).

 

Dans les relations de couple pathologique, du fait des confusions nées de la massivité des identifications narcissiques adhésives ou projectives, du fait encore des engrènements pervers, cet espace intermédiaire fantasmatique transitionnel disparaît au profit d’agirs et de confusions entre les membres. L’espace transitionnel intermédiaire tend à disparaître au profit de la topique interactive qui désigne selon Paul- Claude Racamier «...l’organisation particulière qui seule permet de rendre compte de processus psychiques dont l’unité (qui ne peut s’apercevoir dans la seule enceinte intrapsychique) s’accomplit entre plusieurs personnes (couple, famille, groupe, société) en vertu d’interactions inconscientes obligées. Illustrée par le processus d’engrènement et de participation confusionnelle, ainsi que par les défenses interactives, cette topique est celle qui émerge et prévaut dans le jeu des fantasmes- non- fantasmes qui sont en circulation dans toute pathologienarcissique grave. La topique interactive est un dérivé de la troisième topique laquelle désigne l’organisation du réel en trois registres : interne, externe et intermédiaire.» (P -C. Racamier, 1993 ).

 

C’est le couple en tant qu’objet qui est surinvesti au détriment de l’individu ; le «nous» est surinvesti au détriment du «Je».

 

Nous pouvons ajouter que ce choix d’objet amoureux s’établit certainement à partir «d’une connaissance» de la famille interne du partenaire. Ces phénomènes sont à mettre en rapport avec ceux de la résonance fantasmatique, de l’interaction fantasmatique intense entre les partenaires. Les représentations familiales prévalentes sont œdipiennes ou antoedipiennes.

 

Ainsi un sujet structuré sur un mode œdipien fait le choix habituellement d’un partenaire structuré sur le même mode œdipien prévalent. Cela évoque le choix d’objet par étayage.

De même un sujet structuré de façon prévalente sur un mode antoedipien (antoedipe désigne l’organisation essentielle et spécifique du conflit originaire), c’est-à-dire incestuel ou incestueux, fait habituellement le choix d’un partenaire organisé selon ce même registre antoedipien. Cela évoque le choix d’objet narcissique.

 

Rappelons qu’incestuel selon PC Racamier «désigne et qualifie ce qui dans la vie psychique individuelle et familiale porte l’empreinte de l’inceste non- fantasmé».

 

Rappelons aussi que «L’inceste n’est pas l’œdipe, qu’il en est même le contraire».

Les familles internes œdipiennes figurent des représentations générationnelles normales où les parents y sont plus âgés et plus grands que les enfants. Ainsi la différenciation des générations, des êtres, des genres, des morts et des vivants est acquise. Les fantasmes de séduction narcissique et sexuelle coexistent mais la séduction sexuelle prédomine dans le couple. La relation de contenance initiale des partenaires a été vécue de la façon suivante : l’objet maternel a été contenant et a été introjecté comme tel. Les angoisses primitives catastrophiques claustrophobiques (angoisse «du trop serré») et agoraphobiques (angoisse «du laissé tomber», «du trop lâché») ne sont pas excessives.

Dans les familles internes antoedipiennes la différenciation générationnelle est mal ou n’est pas acquise. La séduction narcissique est prévalente et la séduction sexuelle se met pathologiquement à son service. Le fantasme d’autoengendrement est sous-jacent à cette organisation psychique. Les enfants et les parents peuvent être à égalité générationnelle : ils ont imaginairement le même âge.

Il peut exister un renversement générationnel : l’omnipotence infantile est figurée par des parents plus jeunes et plus petits que les enfants ; les enfants sont ainsi les parents des parents. Ici, la différenciation des générations, des êtres, des genres, des vivants et des morts n’est pas bien acquise et des confusions de tous ordres ont lieu, parfois massivement.

 

Ou bien encore, les parents et les grands-parents sont imaginés frères et sœurs, et ainsi de suite.

La relation précoce des partenaires a été dominée par une dépendance infantile pathologique à la mère contenante. Tantôt il s’agit d’une dépendance excessive à l’objet, d’une quête frénétique de l’objet, tantôt défensivement contre cette dépendance pathologique s’est constituée une auto-contenance mégalomaniaque. Cette auto- contenance pathologique est vraisemblablement le terreau du fantasme d’autoengendrement (J.-P. Caillot, 1992).

 

Ainsi par exemple, un couple consulte pour tristesse, conflits fréquents et surtout perte des relations sexuelles depuis la naissance de leur fils qui a maintenant cinq ans. Le mari et la femme ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils sont de niveau culturel élevé, très appliqués à éduquer leur enfant et à le choyer. Leur famille se présente essentiellement comme une institution. Elle a évincé toute sexualité. Dans ses antécédents, la mère avait été fréquemment corrigée et sermonnée par sa mère (grand-mère maternelle) qui lui disait : «tiens-toi bien ! Assieds-toi correctement ! Baisse ta jupe et sers les jambes quand tu t’assieds ! Tu sais ton père est un homme!». Lorsqu’elle allait se coucher, elle devait tirer son verrou pour les mêmes raisons. Ce climat incestuel s’expliquait par le fait que la mère de la patiente (la grand-mère maternelle de l’enfant) avait subi une tentative de viol de la part de son père (l’arrière-grand-père maternel de l’enfant) vers l’âge de 16 ans. Quant au mari, il n’avait pratiquement pas connu son père car ses parents s’étaient séparés très précocement.

 

Lorsque sa mère se disputait avec son second mari, elle mettait ce dernier à la porte et prenait son fils dans son lit. Ces agirs incestuels ont existé jusqu’à l’âge de 15 ans, âge à partir duquel il a quitté sa famille.

 

Il habitait alors un studio tout seul. Il semble, comme dans l’histoire d’Oedipe, que la naissance de ce fils ait fait émerger des fantasmes incestueux partagés par le père et la mère. Les parents avaient alors la crainte inconsciente qu’une relation incestueuse ait lieu avec leur fils et avaient défensivement tenté d’éliminer toute sexualité dans leur couple et dans la famille.

 

Tout se passait comme si les parents se disaient: «si nous supprimons la sexualité de notre couple, de notre famille, nous vivrons sans drame».

 

Le père s’identifie projectivement à son fils et la mère dépose dans son fils son objet interne père.

C’est à ce moment qu’une demande d’arrêt de la thérapie a lieu de peur que des relations incestuelles surviennent dans notre groupe.

 

Dans cette sphère incestuelle ou incestueuse, antoedipienne, les phénomènes d’emprise sont au premier plan, les identifications narcissiques massives, les fantasmes envieux y sont exacerbés et les agirs envieux y sont fréquents. Les angoisses sont volontiers des angoisses catastrophiques primitives, agoraphobiques ou claustrophobiques. Il est fréquent d’ailleurs d’observer une répartition dans le couple de ces deux formes d’angoisse : l’un est porteur des angoisses claustrophobiques primitives, l’autre des angoisses agoraphobiques primitives.

 

Ainsi le partenaire agoraphobe en recherchant la présence du partenaire claustrophobe, renforce les angoisses claustrophobiques de ce dernier et le pousse à s’éloigner. Ainsi un cercle vicieux s’établit, des inter - agirs conflictuels surviennent. Le sujet agoraphobe tend à devenir intrusif et le sujet claustrophobe rejetant, voire humiliant.

 

Ainsi les phénomènes paradoxaux du registre antoedipien sont à l’origine d’une impasse relationnelle du couple. Nous avons pu décrire (J. - P. Caillot, G. Decherf, 1982) des relations paradoxales entre les partenaires du couple et dans le transfert. Nous pouvions résumer de la façon suivante celles-ci : «vivre ensemble nous tue, nous séparer est mortel». Elles appartenaient à la position narcissique paradoxale que nous avons décrite en 1982 (J. – P. Caillot) de la façon suivante : cette position est caractérisée par une relation d’objet narcissique où l’investissement narcissique de l’objet est source de sensation ou d’angoisse claustrophobique primitive. Cette sensation ou cette angoisse insupportable conduit à une rupture de cet investissement narcissique de l’objet. Elle est suivie d’un retrait narcissique du sujet alors en proie à une sensation ou à une angoisse agoraphobique primitive, ce qui le pousse à réinvestir narcissiquement l’objet et ainsi de suite. On le voit, l’oscillation des investissements narcissiques et antinarcissiques (F. Pasche, 1978) caractérise la défense paradoxale et rythmique de cette position contre les sensations et les angoisses primitives claustrophobiques et agoraphobiques.

 

Les relations narcissiques paradoxales pathologiques sont responsables des troubles de la figuration (irreprésentabilité) qui donnent lieu à des fantasmes – non – fantasmes, des représentations d’objet paradoxal (par exemple, la représentation d’un père incestueux est à la fois une représentation de père, d’objet sexuel, de bébé et de jumeau ; il s’agit bien d’une représentation d’un père – non – père). Elles sont également responsables de troubles émotionnels comme la création d’affects paradoxaux qui sidèrent le moi (l’affect paradoxal est une formation d’affects liant indissociablement entre eux et renvoyant l’un à l’autre deux affects inconciliables et cependant non opposables tels que la terreur ou l’horreur et la fascination). Cette position narcissique paradoxale pathologique est source de confusion.

 

D. Anzieu a énoncé d’autres formes de paradoxe : «nous sommes un bon couple, dont chaque membre est mauvais pour l’autre». Ou bien encore : «Nous sommes de bons membres qui formons un mauvais couple».

 

Enfin, pour R. Kaës, les alliances inconscientes du couple telles que la communauté de déni, «permettent de comprendre comment, dans les modalités névrotiques et psychotiques du refoulement, se constitue ou achoppe à se constituer, pour les sujets singuliers, en raison de l’enjeu de leurs liens, la fonction refoulante.» «Elles sont, dit-il, des formations de l’appareillage psychique des sujets d’un ensemble intersubjectif». Un couple dans le cas qui nous préoccupe.

 

Les alliances inconscientes sont au service de la fonction refoulante.

 

Dans l’exemple que nous venons de citer l’alliance inconsciente est la communauté de déni dans le couple. Elle a pour base leur déni commun des relations d’objet incestuel dans leur famille d’origine et dans leur couple ; les fantasmes – non – fantasmes incestueux sont déniés et chaque partenaire identifie projectivement son partenaire avec son parent interne de sexe opposé. Dans ce cas, il y a confusion de la mère interne du mari avec son épouse et du père interne de la femme avec son époux.

 

Cadres psychanalytiques de la thérapie du couple

  • Le plus souvent l’échange est uniquement verbal.
  • Parfois une indication psychodramatique est posée, ce qui donne une place essentielle au jeu.

Les psychanalystes, habituellement, proposent des rencontres hebdomadaires ou bi - mensuelles.

Ils invitent le couple à parler librement de leur couple en couple.

La règle de non - omission, spécifique de la situation psychanalytique individuelle est remplacée ici par une invitation à parler librement plutôt qu’une contrainte à ne rien omettre. La constitution de secrets individuels non pathologiques marquera fréquemment, en effet, la progression de la thérapie du couple. En somme, chacun dit ce qu’il souhaite dire. Il ne s’agit pas ici de la règle du «tout dire», comme dans l’abord individuel. On parlera alors d’association libre verbale du couple.

Lorsque les manœuvres perverses dans un couple parfois pervers sont massives et fréquentes, nous proposons désormais dans un premier temps des rencontres ponctuelles consacrées au dévoilement des manœuvres perverses sans donner ainsi une trop grande prise aux agirs envieux du couple envers la situation psychanalytique. C’est éventuellement dans un deuxième temps lorsque des angoisses apparaîtront qu’un cadre de rencontres régulières pourra être mis en place.

L’association libre verbale du couple est associée à la règle d’abstinence.

Le couple doit renoncer à l’obtention de conseils, de solutions concernant la réalité quotidienne et au partage évidemment de relations privées ou sociales avec le ou les psychanalystes.

La règle de restitution oblige l’analyste à restituer le contenu de ce que pourrait lui dire entre les séances un des membres du couple.

Seul le couple sera reçu. Il n’y a pas de rencontre individuelle.

 

Indications

Dans une famille, les indications de thérapie de couple ont lieu lorsque les difficultés relationnelles rencontrées sont localisées essentiellement au couple.

Le couple reconnaît que le dysfonctionnement se situe à son niveau. Il s’agit le plus souvent:

  • de conflits verbaux ou physiques avec parfois désirs de séparation ;
  • de dépression avec perte des désirs sexuels ;
  • de troubles sexuels apparu après la naissance d’un enfant ;
  • d’angoisses catastrophiques : l’un des partenaires se sent étouffé par l’autre qui se sent lui-même abandonné.
  • de crainte de passage à l’acte meurtrier dans le couple associé à des passages à l’acte incestueux envers les enfants.
  • l’un des partenaires se plaint des agirs d’emprise incessants de l’autre.

Structure des différents types de couple

  • Les relations perverses narcissiques sont fréquentes avec leur cortège de manœuvres sado masochiques et de provocation, de manœuvres de séduction mensongère, de disqualification de tous ordres, d’injections d’angoisse et de manœuvres confusionnantes. Rappelons, à cette occasion, le très bel ouvrage de Maurice Hurni et Giovanna Stoll qui traite du lien pervers dans le couple («La haine de l’amour») et de la tension intersubjective perverse.
    Ici le travail interprétatif doit être précédé d’un travail de dévoilement des manœuvres perverses de telle façon qu’une certaine quantité d’angoisse nécessaire au travail analytique apparaisse.
    Ces manœuvres d’emprise paradoxale jouissives empêchent dans un premier temps l’établissement d’un cadre de rencontres régulières.
    Alors le couple occupe volontiers une position narcissique phallique, variante nous semble t-il, de la position schizo - paranoïde : c’est la relation dominant -dominé qui est investie préférentiellement. Une lutte pour la possession d’un pénis imaginaire tout-puissant fait rage.
  • L’association d’une organisation psychotique chez l’un des partenaires et d’une organisation perverse chez l’autre est aussi un cas de figure fréquent.
  • Quelles que soient les structures individuelles des partenaires les phénomènes paradoxaux sont fréquents ainsi que les manœuvres perverses.

Les transferts

Nous distinguons trois catégories d’objets dans les thérapies collectives : l ’objet-individu, l’objet-couple et l’objet-groupe.

Voici résumées les différentes figures transférentielles :

  • le transfert groupal global sur le groupe thérapeutique comme objet transférentiel : un des partenaires ou bien les deux partenaires du couple transfèrent sur le groupe thérapeutique (couple et psychanalystes) comme objet ;
  • le transfert groupal central du couple sur le ou les analystes : ici l’objet transférentiel est le ou les analystes. Le couple comme unité transfert sur le ou les analystes comme unité.

Dans le transfert global ou central la somme des sujets transférants et des personnes constituant l’objet transférentiel réunit l’ensemble des participants du groupe thérapeutique.

Un des partenaires peut être le porte-parole d’un fantasme transférentiel du couple.

  • les transferts latéraux entre partenaires du couple sont volontiers en rapport avec des phénomènes d’identification projective. Les transferts latéraux sont «ramenés» vers le ou les analystes.

Exemple clinique

Voici un exemple d’une séance de thérapie de couple se déroulant un an après le premier entretien.

Elle : «On a passé de très bonnes vacances. Au début, nous étions ensemble tous les trois, puis j’ai dû faire un remplacement d’une semaine pendant que mon mari s’occupait de notre fils César. Nous nous sommes retrouvés à nouveau tous les trois».

Lui : «La dernière semaine, j’ai repris mon travail et ma femme a pu se reposer quelques jours avec César. Tout s’est bien passé. Ce qui m’ennuie, c’est qu’avec mon nouveau travail, j’ai beaucoup de déplacement en ce moment et je ne rentre que pour les week-ends. Alors que faut-il faire vis-à-vis de la psychothérapie ? Est-ce que l’on peut faire du bon travail avec vous, alors qu’on ne se sera pas vu ma femme et moi ? Habituellement ce sont nos échanges et nos difficultés de la semaine qui servent de base à notre travail ici.»

Psychanalyste : «Craignez-vous de vous trouver dans le vide ici sans avoir de matériel à travailler ?»

Lui : «Oui, c’est un peu ça»

Elle : «Il y a l’idée aussi qu’à remuer des choses ici, on risque de faire redémarrer des conflits entre nous. Alors est-ce que cela ne serait pas mauvais pour nous de venir vous voir alors que tout va bien maintenant ?»

Psychanalyste : «Plusieurs fois nous avons observé ensemble que l’un de vous était censé être la cause unique du malheur de l’autre. Aujourd’hui dans notre relation, c’est nous qui serions la cause de votre malheur.»

Lui : «C’est comme cela que nous avons beaucoup fonctionné, mais maintenant nous sommes beaucoup plus sereins, beaucoup plus décontractés. Il y a un acquis et tout ce qu’on a fait ensemble, ma femme et moi, ici, ça permet de voir les choses autrement».

Elle : «On a trouvé quelque chose de bon, à quoi on ne croyait plus, et il faut le préserver... avant on avait toujours envie de penser pareil, mon mari et moi, d’être le même par rapport à l’autre... ce n’était pas possible de vivre comme ça.

Elle ajoute : «Hier, mon mari m’a dit, qu’il avait besoin de faire une chose pour lui sans rapport avec moi et ça m’a paru très bien... si on n’est pas le même l’un par rapport à l’autre, on devient indépendant... avant la naissance de notre fils, ou bien on faisait la même chose ensemble, ou bien on était nécessaire l’un à l’autre, dépendant. Et bien sûr, on se sentait très coupable de la moindre chose qu’on faisait sans l’autre. On trouvait ainsi un bien-être très grand et nous avons éprouvé un grand malaise à changer quelque chose à ce bien-être que nous avions fait ensemble et qui répondait à nos besoins. Aujourd’hui je me dis : pourquoi ne pourrait-il pas faire quelque chose sans moi ?Pourquoi je ne pourrais pas devenir différente de ce qu’il espérait ? On était en autarcie et quand on est en autarcie on s’alimente soi-même, on est en pleine forme sur tous les plans, on n’a pas besoin de l’autre... on est indépendant.Cependant quelque chose me gênait : on commençait parfois une activité ensemble et on avait du mal à s’arrêter. Surtout moi, je finissais par m’essouffler... encore plus après la naissance de César, car j’avais un sentiment de déchéance corporelle. Je pense qu’on avait mis la barre trop haute».

Lui : «On sait maintenant qu’on est différent et qu’on a des besoins différents».

Psychanalyste : «Mettre la barre trop haute, c’était peut-être exercer une tyrannie entre vous...?»

Elle : «Surtout après la naissance de César, parce que notre fils nous empêchait de continuer notre route ensemble. Parfois, et même encore maintenant, je me dis qu’il m’agasse avec tous ses besoins à lui... mais je l’aime beaucoup, c’est un bon petit gars».

Lui : «Au début de la séance vous avez évoqué notre peur du vide ?»

Psychanalyste : «À propos de votre couple, vous parliez tout à l’heure d’autarcie, d’indépendance. J’imagine que vous n’aviez pas peur du vide à ce moment-là ?»

Elle : «Oui, mais après dites donc ! On a drôlement du mal à se reconvertir ! Quand on a quelqu’un pour soi tout seul, c’est grisant !»

Lui : «C’est un besoin !».

Psychanalyste : «Ca m’évoque la relation du bébé avec sa mère.»

Elle : «Oui, mais la mère on doit la partager avec les frères et les sœurs, alors que là, c’est une mère pour soi tout seul et en même temps on est chacun la mère de l’autre pour lui tout seul. Vous comprenez ? Vous savez, c’est un lien très fort, bien plus fort qu’avec la mère...avec ma grand-mère j’ai pu compenser l’insuffisance de ma mère.... tout ça c’est une illusion d’identité, dit-elle : en voyant l’autre, on s’admirait en même temps. Quand j’étais petite, je me considérais comme moche. Mon frère aîné se moquait de moi... tout ce que j’ai vécu avec mon mari, ça m’a fait du bien. J’ai pu repartir différemment, refaire le même chemin différemment... mon mari aimerait avoir d’autres enfants. Je ne suis pas encore tout à fait mûre. Je reste bloquée. Quand j’ai des idées noires je pense à me jeter par la fenêtre... Quand j’étais adolescente je faisais le rêve suivant : je tombais dans un trou et je sentais l’air sur ma peau. Je me réveillais avec une sensation de tomber».

 

Psychanalyste : «Tomber dans le vide, est-ce que cela serait lié à l’arrivée d’un nouvel enfant ?»

Elle : «On avait un équilibre formidable à nous deux. On en a retrouvé un à nous trois. Il faudrait sans doute en retrouver un encore à nous quatre. C’est peut-être ça qui nous fait peur. Dans le fond, mon mari et moi on peut très bien avoir des activités différentes à l’extérieur, on peut se reconnaître comme différent l’un de l’autre. Trouver un nouvel équilibre si on a un autre enfant, ce sera peut-être plus facile si on se sent différents».

 

Jean-Pierre CAILLOT

Psychiatre, Psychanalyste, Membre adhérent de

la SPP, Membre cofondateur du CPGF

 

 

 Bibliographie

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15/03/2013